Des start-up se lancent dans des transfusions de sang de patients jeunes vers des personnes plus âgées dans le but de prolonger la vie. Des grandes fortunes ou des multinationales, comme Google-Alphabet, investissent dans des biotechnologies pour identifier les gènes de longévité et ralentir le vieillissement. D’autres mènent des expérimentations pour dupliquer le cerveau dans des machines. L’industrie de la cryoconservation – congeler un organisme en attendant un hypothétique remède contre la mort – connaît un succès grandissant. Tous partagent l’ambition transhumaniste : créer un être humain à la longévité décuplée, voire immortel. Sans aucune réflexion sur les conséquences sociales. Une enquête extraite de l’ouvrage Au Péril de l’humain, co-écrit par Agnès Rousseaux, journaliste de Basta !.
De nouveaux vampires seraient parmi nous ! S’injecter du sang humain « jeune » dans les veines semble être devenu la nouvelle marotte de ceux qui voudraient vivre quelques décennies supplémentaires. Pour ceux qui se revendiquent de l’idéologie transhumaniste et souhaitent l’avènement d’un « humain augmenté », vaincre la mort est l’objectif ultime. Ou plutôt de « résoudre » la mort, car celle-ci est considérée comme un problème technique, et le vieillissement comme une maladie à combattre. Entre délires de charlatans et recherches sérieuses, difficile parfois de faire le tri. Mais une chose est sûre : la recherche sur les secrets de l’immortalité – ou du moins sur les recettes de la longévité – n’est plus le domaine réservé d’une poignée de chercheurs farfelus. Depuis quelques années, les études et publications scientifiques foisonnent dans ce domaine.
En 2014, plusieurs études menées sur les souris montrent que le transfert de sang d’un rongeur jeune vers un rongeur âgé a un effet nettement « régénérateur » sur l’organisme du plus vieux. Le transfert dope le fonctionnement du cerveau et des muscles, stimule la fabrication de nouveaux neurones chez des souris âgées, améliore le sens olfactif ou la mémoire [1]. La technique consiste à injecter à échéances régulières d’importantes quantités de sang « jeune » dans un organisme ou à connecter deux systèmes de circulation sanguine – les vaisseaux sanguins de deux souris étant « cousus » ensemble, selon un montage appelé « parabiose ».
Des start-up se lancent dans la transfusion de sang pour allonger la vie
Vu le succès de ces expériences sur les souris, des essais cliniques ont été lancés sur l’homme ces dernières années. Rassurez-vous : il n’est pas (encore) question de fusionner deux systèmes sanguins… Le neurologue Tony Wyss-Coray a fondé une start-up, Alkahest, qui transfuse à des patients alzheimer du plasma acheté à des banques du sang et tente d’identifier les facteurs bénéfiques de cette opération [2].
Autre projet : Ambrosia Plasma, startup basée à Monterey en Californie, recrute actuellement 600 patients de plus de trente-cinq ans pour leur injecter régulièrement du plasma sanguin issu de personnes de moins de vingt-cinq ans [3]. Mais ces essais demeurent très controversés : les conséquences sanitaires de telles transfusions ne sont pas encore maîtrisées, ni les mécanismes à l’œuvre. L’étude ne prévoit pas de groupe témoin, rendant impossible toute comparaison et donc tout résultat scientifique sérieux. La démarche est néanmoins légale.
Des milliardaires obsédés par la mort
Que se passera-t-il si ces expériences concluent aux bienfaits des transfusions de sang pour l’allongement de la durée de vie de l’homme ? Espérons que nous ne verrons pas se développer dans les prochaines années un marché noir de la jouvence, avec le commerce de doses de sang d’adolescents… Certaines déclarations peuvent inquiéter : Peter Thiel, cofondateur de l’entreprise PayPal et dirigeant de Facebook, s’est dit « très intéressé » par ce type de transfusion (mais jure qu’il n’est pas encore « pratiquant ») [4]. Passionné par le sujet – et obsédé par sa propre mort – le milliardaire investit des sommes considérables dans la recherche sur la longévité et dans des start-up de biotechnologies actives dans le domaine de la prolongation de la vie.
Tout cela pourrait passer pour une lubie sans conséquence de la part d’un milliardaire angoissé, si Peter Thiel n’était pas aussi un des rares soutiens de Donald Trump parmi les dirigeants de la Silicon Valley. Celui-ci l’a nommé « conseiller numérique », car Peter Thiel est aussi fondateur de l’entreprise Palantir, leader du big data et de l’analyse de données, dont les principaux clients sont la CIA et les agences de renseignements américaines, ainsi que les grandes multinationales (ou en France, la DGSI). Adepte de l’idéologie transhumaniste et généreux donateur de l’Université de la Singularité, principal think tank transhumaniste, Thiel estime qu’il est « étrange et un peu pathologique » de se résigner à mourir. Et que nous devrions nous battre beaucoup plus contre cette « réalité » [5].
2045, la date prophétique des transhumanistes
Parmi toutes les promesses transhumanistes, la poursuite de l’immortalité est celle qui séduit aujourd’hui le plus large public. Qui ne voudrait pas avoir le choix de vivre plus longtemps ? Parmi les voies envisagées pour atteindre l’immortalité, en bons mécaniciens, les transhumanistes imaginent que la substitution d’organes permettra un jour de prolonger indéfiniment la vie. Si chaque pièce usée est remplacée par une pièce neuve, la machine repart pour un tour !
Autre solution : l’immortalité cybernétique, avec le téléchargement du cerveau sur un ordinateur. Le milliardaire russe Dimitri Itskov, magnat des médias, a ainsi imaginé un planning pour notre mutation en post-humains : en 2045 serait créé un avatar dans lequel l’être humain pourrait à terme dupliquer sa conscience. Dimitri Itskov a envoyé un courrier aux mille personnes les plus riches de la planète pour les encourager à financer son rêve [6]. 2045, c’est aussi la date choisie par le pape des transhumanistes, Ray Kurzweil, directeur de l’ingénierie chez Google et fondateur de l’Université de la Singularité, pour l’avènement de la singularité technologique, moment où les intelligences artificielles seront capables d’auto-évolution.
Agnès Rousseaux et Jacques Testart
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