Soudan du Sud : la peur des massacres au quotidien

Au Soudan du Sud, la guerre civile qui ravage le pays depuis quatre ans l’a rendu exsangue. La famine sévit dans toutes les zones de conflit et frappe en priorité les déplacés qui, au hasard des batailles perdues, doivent tout quitter pour survivre. Nos reporters Charles Emptaz et Olivier Jobard sont allés à leur rencontre dans la région de Jonglei, côté rebelle, alors que les troupes gouvernementales menaient l'offensive et s’emparaient de sa capitale, Waat.

Au Soudan du Sud, les rebelles attendent la saison des pluies comme le Messie. Prévus pour bientôt, les déluges qu’elle provoque devraient en effet stopper net l'avancée des troupes et des chars du gouvernement qui se sont emparées de Waat, la capitale régionale de l'État du Jonglei, à l'Est du pays. Cette bataille a jeté sur les routes de l'exode des dizaines de milliers de civils de l'ethnie Nuer, principaux soutiens des rebelles. Nous les avons rencontrés à une dizaine de kilomètres de la ligne de front.

Déplacées dans les campagnes avoisinantes, des familles auparavant citadines en sont réduites à dormir par terre, abritées sous des acacias verts. Elles se nourrissent des feuilles bouillies de cet arbre, quand des "rations de survie nourrissante" au beurre de cacahuète ne leur sont pas tombées du ciel, larguées par les avions de l'US Aid. Les plus chanceux, ceux qui ont pu emporter quelques milliers de shillings dans la débâcle, ne cherchent qu'à fuir ces villages, trop proches des troupes adverses. Certains partent s'entasser dans de vieux camions russes pour un voyage chaotique en direction de l'Éthiopie voisine. Il faut parfois jusqu'à une semaine entière pour atteindre ce pays en paix, où les écoles n'ont pas fermées. Un voyage de 200 kilomètres dans la boue noire.

Culture de la violence

Seuls les femmes et leurs enfants sont véritablement autorisés à partir, les hommes étant priés de rester et de se battre pour empêcher le repeuplement de la région par l'ethnie adverse... Dès la fin de l'école, à huit ans, les plus jeunes se familiarisent au maniement de la kalachnikov. Le fusil devient un compagnon de chaque instant, qui sert tout aussi bien à tuer les gazelles, se protéger des voleurs de bétail ou attaquer dans des raids éclairs les troupes du gouvernement honni.

Cela fait trente ans que durent les guerres dans la région... La culture de la violence est partagée par tous. Dès l'adolescence, la plupart des jeunes aux visages scarifiés intègrent l'Armée blanche, une milice en guenilles qui avance pieds nus, les épaules lestées de lance-roquettes, de mitrailleuses lourdes ou d'armes légères, au son des chants révolutionnaires célébrant les victoires passées et celles à venir. Ses soldats iront vaincre ou mourir, non pour un chef ou un héros charismatique, mais pour cette idée qu'en pays Nuer, les jeunes doivent protéger leurs aînés et que la terre et ses pâturages sont les biens les plus précieux bien de la communauté.

 

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