Un chrétien pakistanais a été condamné à mort jeudi 13 septembre pour blasphème pour avoir envoyé par téléphone à une connaissance musulmane un poème jugé offensant pour l’islam. Explications.
1/Quels sont les faits ?
Nadeem James, un chrétien pakistanais a été condamné à mort jeudi 13 septembre pour blasphème pour avoir envoyé par téléphone à un ami musulman un poème jugé offensant pour l’islam, a indiqué son avocat à l’AFP.
Nadeem James, qui vit à Sarai-Alamgir dans le nord de la province du Pendjab (centre), a été inculpé en juillet 2016 : Yasir Bashir l’accuse de lui avoir envoyé un poème offensant à l’égard du prophète de l’islam, Mohammed, sur l’application Whatsapp.
« Mon client va faire appel de la condamnation devant la haute cour car il a été piégé par son ami qui n’appréciait pas que James fréquente une jeune fille musulmane », a expliqué son avocat, Anjum Wakeel.
Le procès s’est déroulé dans une prison pour des raisons de sécurité, des responsables musulmans ayant proféré des menaces contre James et sa famille. Le tribunal a confirmé la sentence.
2/Quel est le contexte ?
Des dispositions sanctionnant le blasphème existaient déjà dans le Code pénal indien de 1860, qui interdisait d’endommager ou de profaner un lieu de prière ou un objet sacré. À cette époque, où l’empire britannique des Indes s’étendait à l’actuel Pakistan, le blasphème n’était pas puni de mort et ne faisait pas référence à une religion en particulier.
En 1927, la loi a été amendée et la clause 295-A concernant les crimes relatifs à « l’offense des sentiments religieux » a été instaurée, prévoyant une peine de prison de deux ans.
En 1947, à l’indépendance du Pakistan, le Code pénal du nouveau pays a repris ces dispositions du Code pénal indien, mais cette fois, la peine d’emprisonnement pour blasphème a été étendue à dix ans.
C’est en 1986, sous la dictature du général Zia-ul-Haq (1977-1988) qui a renforcé l’islamisation du pays, que la loi a été considérablement durcie. Désormais, l’article 295-C interdit de diffamer le prophète de l’islam et punit le blasphème de la peine de mort.
Fin 2010, la députée Sherry Rehman a présenté un texte prévoyant de mettre fin à l’application automatique de la peine de mort ou de la prison à perpétuité. Des poursuites étaient également prévues contre « toute personne portant des accusations fausses ou non fondées », ou se rendant coupable d’incitation à la haine religieuse.
Les partis religieux ont organisé de nombreuses manifestations contre la modification de la loi. Le 4 janvier 2011, le gouverneur du Pendjab, Salman Taseer, qui soutenait le projet de réforme, a été assassiné à Islamabad par un policier de sa garde rapprochée. Il avait rendu visite en prison à Asia Bibi, une chrétienne condamnée à mort pour blasphème en 2010 et dont le sort avait soulevé un vent de protestation sur la planète.
Dans la foulée, le chef du gouvernement pakistanais a décrété que la loi sur le blasphème ne serait pas modifiée, et que le projet d’amendement proposé par la parlementaire de son propre parti avait été retiré
3/ Quel avenir ?
La loi est critiquée par les défenseurs des droits de l’homme, qui soulignent qu’elle est souvent instrumentalisée pour régler des différends personnels. En 2016, Amnesty International soulignait dans son rapport qu’elle est utilisée « de manière disproportionnée contre les membres des minorités religieuses », chrétienne ou ahmadie notamment.
De simples accusations – parfois relayées par le haut-parleur d’une mosquée locale – ont valu à des dizaines de personnes d’être lynchées. On estime à au moins 17 le nombre de personnes condamnées pour blasphème et qui attendent dans le couloir de la mort.
Et c’est désormais en ligne que ces accusations fleurissent, comme en janvier 2017 contre cinq activistes libéraux, critiques de l’intolérance religieuse et parfois de l’armée, disparus sans laisser de traces.
« Le groupe d’athées commettant le blasphème sur Facebook a été vaincu », affirmait alors – selon l’AFP – un message publié par Pakistan Defence, une influente page Facebook suivie par 7,5 millions de fans. D’autres pages similaires, comme ISI Pakistan1, qui compte 192 000 fans, ont appelé à ce que ces « ennemis de l’islam » soient « éliminés ».
En 2016, l’espoir avait à nouveau surgi lorsque le président du Conseil de l’idéologie islamique, Muhammad Khan Sherani, avait manifesté sa disponibilité à revoir la loi sur le blasphème. Il devait fournir au Parlement et au gouvernement des recommandations proposant des modifications visant à éviter les abus commis en ayant recours à la loi. À ce jour, aucun amendement à la loi n’a été voté.
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