Perpignan: "Je suis repenti, homo, et l’Église m’exclut de la chorale"

Jimmy Paradis, prostitué qui a fait acte de contrition mais militant, dénonce son éviction, la semaine Sainte, du chœur de la paroisse Saint-Joseph à Perpignan.

"Je suis un fervent pratiquant. Et pour un chrétien, se faire jeter de l’Église un jeudi Saint, il n’y a rien de pire. On me rejette parce que je suis moi-même. En 2014, c’est scandaleux ». « Choqué », « bouleversé », « révolté », « malheureux », Jimmy Paradis ne sait plus à quel saint se vouer pour confesser son tourment.

Une vidéo en travesti incompatible

Après vérifications, l’Église aurait décidé d’exclure Jimmy Paradis de la chorale après la découverte d’une vidéo sur Internet où l’intéressé est montré en train de se travestir avant de se rendre sur le trottoir. « Incompatible vis-à-vis de l’image », confesse-t-on. Officiellement, la communauté de paroisses de la Croix glorieuse (St-Assiscle, St-Mathieu et St-Joseph) a accepté hier de répondre via un communiqué signé « Frère Jean-Luc-Marie Raynal, curé » de St-Joseph : « Jimmy Paradis a cru bon de diffuser sur Internet le mail personnel que je lui ai adressé avec le titre accrocheur et diffamatoire : “Expulsé de sa paroisse parce qu’homosexuel”. Il n’est pas question d’homosexualité : ce que j’ignorais et que j’ai découvert récemment sur Internet, c’est la promotion et la justification de la prostitution par Jimmy Paradis. Il n’est en rien expulsé de la paroisse : je lui affirme au contraire dans ce mail que les portes de l’Église lui sont toujours grandes ouvertes. Je lui demande simplement d’arrêter un service bénévole et ponctuel à la paroisse. Jimmy ne peut pas à la fois assurer un service public dans l’Église et promouvoir sur Internet la prostitution, laquelle est en complet désaccord avec l’Évangile. J’ajoute qu’à cinq reprises j’ai pris rendez-vous avec lui pour pouvoir en parler. Il n’est jamais venu. Mon mail lui renouvelait une proposition de rencontre. J’attends toujours. »

Motif : un mail qui lui a été adressé mercredi dernier par le curé de la paroisse Saint-Joseph à Perpignan. Et qui lui indique : « Je te demande d’arrêter ton service d’animation des chants à la paroisse Saint-Joseph (...) les portes de l’église te restent grandes ouvertes, le Seigneur t’aime et t’attend, il ne t’en veut pas, pas plus que je ne t’en veux. Mais pour cela il faut que tu te détournes résolument de tout ce qui te mène à l’impasse, de tout ce qui te fait du mal et qui abîme ta vie. Tu as sûrement un vrai désir d’être ami du Seigneur sinon tu ne te serais pas investi à la paroisse. J’espère que ce désir l’emportera. En effet, après ce que j’ai vu ou entendu de toi sur Internet et auquel tout le monde a accès, je ne peux plus aujourd’hui te confier une mission dans l’Église. Le Seigneur ne veut pas la mort du pécheur mais qu’il se convertisse et qu’il vive ! ».

De tous les combats

Une annonce qui laisse sans voix Jimmy Paradis, 35 ans, animateur liturgique depuis 8 ans au sein de la chorale de cette paroisse. « Je participais au catéchisme à l’école Jeanne-d’Arc pendant 3 ans. J’ai créé l’association “Gâteaux pour la paroisse” pour récolter des fonds et j’étais d’ailleurs en photo dans le bulletin paroissial. Je suis croyant. Quand j’ai lu ça, j’avais les larmes aux yeux. Ce ne sont pas les paroissiens, dont certains m’ont adressé des messages de soutien, qui me jettent, mais l’Église et c’est ça qui me fait mal. Pour moi, c’est parce que je suis homo. Il leur a fallu 8 ans pour s’en rendre compte. Alors que ce curé est mon confesseur. On m’a posé la question. Je n’ai pas répondu, mais tout le monde le sait. En quoi ça peut gêner la chorale ? Il faudrait que j’aille me faire soigner ? Je lutte depuis toujours contre la discrimination et là je vis mon premier acte d’homophobie. Puis, c’est contraire à ce que vient de dire le pape ».

Mais le paroissien invoque plusieurs hypothèses supplémentaires à son éviction : sa mère, prostituée depuis plus de 40 ans (« Ce n’est pas leur problème et puis on oublie Marie-Madeleine ») ; son engagement avec le Strass, syndicat pour la défense des prostituées et leurs droits à la réinsertion mais aussi pour la légalisation du métier (« Oui, je leur donne la parole. Je vais sur l’autoroute faire de la prévention, leur amener des préservatifs et les orienter vers les associations pour les aider ») ; sa candidature aux dernières municipales de Perpignan sur la liste de gauche Beliard-Amiel-Donat (« Le jour du premier tour, on m’a dit que j’étais antichrétien ») ; sa participation à la manifestation contre le Front national (« Ce n’est pas un hasard. Le discours se radicalise dans certaines paroisses ») ou encore son passé lui aussi de prostitué... «Repenti ! , scande-t-il, je suis standardiste dans un hôtel, je vis en couple depuis 5 ans. Je devais chanter à la veillée pascale, je devais me faire laver les pieds le jeudi Saint comme les apôtres, on m’a donné la communion le dimanche précédent. Qu’est ce qu’il leur faut de plus ? Je me suis blanchi tout seul. Ils sont censés pardonner à tout le monde, mais je ne leur demande pas la charité. Imaginons que je sois plus jeune et plus fragile. J’en connais qui ont été rejetés par leur propre famille après ça. Ce n’est pas de l’orgueil. Ce n’est pas tolérable ».

Plainte pour discrimination

Jimmy Paradis, par l’intermédiaire de son avocat Me Rey, a envoyé mercredi une plainte au procureur de la République de Perpignan pour discrimination. Le paroissien affirme en outre que l’association Stop homophobie et le Strass (Syndicat du travail sexuel) se disent prêts à se constituer partie civile dans ce dossier.

À noter que selon la nouvelle loi n°2 014-173 du 21 février 2014 qui modifie les dispositions du code pénal relatives aux discriminations : « Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs, de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». « À moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique neutre en apparence (...) ne soient objectivement justifiés par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés ».

La. M.

 

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