Le Vatican interrogé par l’ONU sur le délicat dossier de la pédophilie

L’Église catholique est, pour la première fois, sommée de donner des explications détaillées à un comité d’experts de l’ONU sur les sévices sexuels et les violences perpétrées contre les enfants au sein de l'institution.

Ces scandales sont "la honte de l'Église". Pour la première fois, le Vatican est sorti de son mutisme concernant l’épineux dossier de la pédophilie. Le pape François a fustigé, jeudi 16 janvier, les "nombreux scandales" qui font de l'Église catholique un objet de "dérision", au moment où un comité de l'ONU se penche à Genève sur la réponse du Vatican aux crimes pédophiles.

"Avons-nous honte ? Tant de scandales que je ne veux pas mentionner individuellement, mais que tout le monde connaît !", s'est exclamé le pape François lors de la messe matinale à la résidence Sainte-Marthe, dans une allusion transparente aux crimes de pédophilie, mais aussi de corruption, perpétrés par des membres du clergé catholique sur les cinq continents.

"Ces scandales, certains qui nous ont fait verser tant d'argent. Et c'est bien ainsi, on devait le faire...", s'est-il exclamé, évoquant les indemnisations versées aux victimes de ces crimes par certains diocèses, américains notamment. "Dans ces scandales, dans ces hommes et ces femmes, la parole de Dieu était rare", a-t-il encore déploré.

Le Saint-Siège sous le feu des critiques

Alors que le Saint-Siège est accusé d’avoir cherché à étouffer les scandales qui ont touché l'Église catholique, les victimes attendaient beaucoup de cette déclaration du pape. "C'est un moment important pour ceux d'entre nous qui furent violés ou victimes de sévices sexuels de religieux quand ils étaient enfants", a déclaré, jeudi, Barbara Blaine, présidente de SNAP (Survivors Network of those Abused by Priests), un réseau de victimes de pédophiles dans le monde ecclésiastique.

C’est au début des années 2000 que les affaires d’abus sexuels sur mineurs ont commencé à sortir de l’ombre, après des années de dissimulation aux États-Unis, en Europe et notamment en Irlande. "Nous espérons que, finalement, la vérité sortira au grand jour et surtout que les dirigeants de l'Église changeront d'attitude, que le pape François prendra des décisions pour vraiment protéger les enfants", a ajouté Barbara Blaine, qui espère plus de transparence.

Le comité des Nations unies pour les droits des enfants, basé à Genève, souhaite connaître précisément les mesures prises par l'Église pour punir les coupables de sévices sur les enfants. Les experts veulent également savoir ce que le Saint-Siège a fait pour éloigner des enfants les membres du clergé accusés de pédophilie. Ils souhaitent aussi savoir si l'Église a fait taire certains enfants abusés sexuellement.

Le Vatican a demandé pardon aux victimes

Mgr Charles Scicluna, ancien "promoteur de justice" (procureur) jusqu'à l'an dernier au Vatican sur ces dossiers, sera l'une des personnalités envoyées par le Vatican pour répondre à l'interrogatoire de Genève.

Sous le pape Benoit XVI, le Vatican a tenté de faire amende honorable en demandant pardon aux victimes de pédophilie. Des consignes de tolérance zéro ont été données aux évêques. En 2013, en guise de bonne foi, le Saint-Siège a ordonné la création d'une commission spéciale pour la protection des mineurs.

Mais les associations estiment que ces mesures sont inefficaces et que le Vatican se dérobe à ses responsabilités. Elles avancent pour preuve le comportement du Saint-Siège qui avait refusé, en décembre 2013, de répondre à un questionnaire envoyé en juillet par ce même comité de l'ONU concernant la pédophilie. En guise de justification, le Vatican avait estimé que la Congrégation vaticane pour la doctrine de la foi (CDF, ancien Saint-Office) menait déjà l'enquête - et que cette dernière devait être tenue secrète pour protéger victimes et témoins.

La session de Genève survient à un moment où la pédophilie dans l'Église fait encore la une dans plusieurs affaires : un site internet polonais a révélé que le Vatican aurait refusé l'extradition vers la Pologne de Mgr Jozef Wesolowski, soupçonné de s'être livré à des actes de pédophilie lorsqu'il était nonce en République Dominicaine.

Le Vatican avait ratifié en 1990 la convention sur les droits de l'enfant. En 1995, il avait été soumis à un premier interrogatoire du comité, mais le scandale n'avait alors pas éclaté.


Avec AFP

 

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